L'histoire holocène des cours d'eau normands révèle la multiplicité des transformations d'origine anthropique de ces systèmes. Ces transformations se sont multipliées au cours des deux derniers millénaires du fait de la prolifération des aménagements hydrauliques. Les formes actuelles des chenaux et leurs fonctionnements hydrosédimentaires semblent en grande partie hérités de ces pratiques sur la longue durée. Cependant, les politiques contemporaines de restauration écologique des rivières ne prennent que très peu en compte cette histoire ainsi que les questions de connaissance de ces patrimoines hydrauliques avant arasement.
Au cours de cette présentation, on montrera comment la compréhension des évolutions sur la longue durée au travers d'études géoarchéologiques a permis de mieux saisir les héritages géomorphologiques liés aux aménagements hydrauliques anciens. Ces investigations se sont faites sous la forme d'études topographiques et géomorphologiques des cours d'eau actuels et des paléochenaux ainsi que par l'étude stratigraphiques de leurs plaines alluviales.
Ainsi l'étude de deux aménagements antiques dans la Manche et le Calvados qui malgré leur faible abondance, révèlent la pérennité des transformations des cours d'eau depuis l'Epoque gallo-romaine jusqu'à aujourd'hui. Ensuite à partir du Moyen-âge, la colonisation des cours d'eau par les moulins à eau a été étudiée à partir de sites ponctuels mais aussi par des études systématiques de bassins. Ces études révèlent une transformation complète des linéaires hydrographiques (en plan, en long et en travers) pour optimiser le fonctionnement des aménagements ainsi que l'appropriation des fonds de vallée. Depuis 150 ans, l'abandon de ces usages a engendré l'apparition de nouvelles dynamiques hydrosédimentaires. En effet, la faiblesse généralisée des cours d'eau normands empêche tous réajustements naturels aux formes héritées des usages passés. Cette situation suggère un impossible retour des cours d'eau à leur état anté-aménagement, cependant elle ne contredit pas une politique de restauration des cours d'eau par objectifs écologiques et/ou sédimentaires.