L'identification récente de paléochenaux dans la plaine alluviale de l'Eure moyenne, à proximité immédiate de vestiges d'un sanctuaire d'époque romaine (lieu-dit « Bellevue », commune de Garennes-sur-Eure), offre des éléments nouveaux pour replacer ce site archéologique dans son contexte paléoenvironnemental. Dans le cadre du PCR « Vallée de l'Eure : une rivière, des territoires », ce secteur a été retenu comme « zone atelier » pour mettre en œuvre une approche géoarchéologique afin d'interpréter l'environnement géomorphologique de l'occupation antique (contexte topographique d'implantation) et d'éclairer les interrelations entre ce complexe cultuel, la plaine d'inondation de l'Eure et d'autres traces d'occupation proches, comme le sanctuaire de Guainville situé à moins d'un kilomètre de distance sur le plateau du Mantois.
La communication orale présentera les premiers résultats d'une approche interdisciplinaire et multi-données combinant (1) l'analyse de données topographiques à haute résolution (levés LiDAR et photogrammétriques), (2) des prospections géophysiques (tomographie de résistivité électrique et géoradar), (3) des carottages sédimentaires dans l'axe d'écoulement des paléochenaux, (4) des analyses sédimentologiques en laboratoire (granulométrie, paramètres texturaux et image CM) et (5) des reconstitutions (paléo)hydrauliques.
L'étude morphosédimentaire et paléohydrologique du chenal de Bellevue a permis d'identifier trois grandes phases : (1) mise en place d'un chenal énergique (débit à pleins bords estimé à 138 m3/s pour une puissance spécifique de 16,5 W/m²), sans doute vers le milieu de l'Holocène ; (2) déconnexion du chenal de l'axe fluvial principal et remblaiement progressif à partir de l'âge du Bronze (2146-2010 av. J.-C.) par des limons sableux carbonatés probablement issus de la dégradation des sols du bassin-versant de l'Eure ; (3) atterrissement et abandon total du chenal de l'Antiquité jusqu'à nos jours. Ces premiers résultats indiquent que si le chenal a bien été remblayé à l'époque de l'implantation du sanctuaire, le site antique est resté potentiellement soumis aux inondations de l'Eure lors de crues épisodiques.