L'agriculture en milieu aride est en équilibre permanent entre variations environnementales et adaptations technologiques et économiques. Dans le sud-est arabique, c'est le modèle d'agrosystème oasien qui garantit un apport en eau et en sol suffisant pour la mise en culture. Depuis les premières études archéologiques des années 1970, il est couramment admis qu'il y est employé depuis près de 5000 ans. Pourtant, dans un milieu extrême aussi sensible, il est difficile de croire à une trajectoire si stable et, dans un contexte actuel d'abandon de ces espaces, il apparait important de comprendre leur dynamique sur le long terme.
L'émirat de Ras el-Khaimah est situé au carrefour de plusieurs entités géographiques : les côtes et lagons du Golfe, les dunes du Rub'al-Khâli et les montagnes al-Hajjar. La rencontre de ces environnements permet une pluralité des stratégies de subsistance, et cet espace constitue donc un observatoire privilégié des mutations socio-environnementales et de l'évolution de l'exploitation du territoire au cours du temps.
Notre recherche vise à appréhender l'interrelation des communautés humaines et des environnements de Ras el-Khaimah, à travers l'étude diachronique de l'oasis de Shimal. Grâce à l'ouverture de sondages géoarchéologiques et à des analyses pédo-sédimentaires et géochimiques (ICP-OES, perte au feu, pH/conductivité électrique, granulométrie), des cycles d'emprise et de déprise agraires ont été identifiés et caractérisés pour plusieurs périodes de la seconde moitié de l'Holocène. Ces nouvelles données, confrontées aux enregistrements archéologiques et paléoclimatiques locaux, permettent de discuter des forçages qui influent sur les modalités d'occupation du territoire, d'évaluer la pression des communautés sur leur environnement, mais aussi d'étudier la résilience du modèle oasien. Finalement, nous pouvons retracer une histoire socio-environnementale nettement plus contrastée, où se croisent nomadisme et sédentarité, occupation des côtes vs arrière-pays et où l'agriculture occupe cycliquement une grande place, grâce aux larges cônes alluviaux qui s'étalent sur les piedmonts.